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Les concepteurs d’univers virtuels sont-ils nuls en géographie ?

Ecrit par Pierre-Antoine Favre le 11 février 2009 2 commentaires
Les concepteurs d’univers virtuels sont-ils nuls en géographie ?

Sous ce titre provocateur se dissimule une perplexité face aux univers tels qu’ils sont conçus la plupart du temps dans les MMORPG. Certes, la définition de l’univers est un aspect essentiel auquel les développeurs ne manquent pas d’attacher une importance considérable. L’univers de jeu constitue en effet la matrice originelle, l’espace dans lequel se dérouleront les aventures et les activités des joueurs. L’univers doit répondre à la curiosité des explorateurs, offrir des possibilités variées aussi bien dans le contexte de la montée en niveau (le “level up”) qu’une fois le niveau maximum atteint (“end game”). Pour cela, les créateurs de mondes virtuels rivalisent d’imagination et de talent pour nous proposer les environnements les plus beaux et les plus multiples.

L’univers de jeu est réussi. Problème : il est délaissé par les joueurs…

Malgré tous ces efforts déployés, la plupart des zones de jeu ne seront que peu ou jamais revisitées par les joueurs, définitivement reléguées aux oubliettes après utilisation… Si nous prenons l’exemple d’un MMORPG emblématique tel que WoW, un joueur ne retournera que dans quelques zones à peine après sa montée au niveau maximum. Et encore s’agit-il le plus souvent d’accéder à l’entrée d’une instance (lorsqu’il n’y est pas même téléporté d’office). Les joueurs passent en effet le plus clair de leur temps dans des zones instanciées, dans les donjons pour le pve ou bien dans les champs de bataille et les arènes pour le pvp. A l’extrême, un joueur peut même se contenter de rester dans l’une des capitales et de ne quasiment jamais en sortir.

N’est-ce pas dommage d’arriver à un tel constat alors que pourtant l’aspect graphique et esthétique de l’univers de WoW ne semble pas en cause ? Bien au contraire, il constitue une superbe réussite qui a beaucoup contribué au succès du titre.

La conception de l’univers : cause ou conséquence de l’orientation du jeu ?

Avant d’aller plus loin dans notre problématique, il convient tout de même d’examiner une question : les zones de jeu sont-elles délaissées à cause des activités instanciées ou bien ces dernières sont elles privilégiées par les joueurs à cause des faiblesses conceptuelles de l’univers proposé ? En d’autres termes, si les joueurs ne fréquentent plus les différentes zones de jeu, est-ce une cause ou bien une conséquence de l’orientation générale donnée à WoW par Blizzard ?

Au départ, il ne fait aucun doute que l’univers est conçu en parfaite cohérence avec les intentions des développeurs. Les zones sont prévues pour permettre aux joueurs d’accomplir leur progression dans les meilleures conditions. C’est pour cela qu’elles sont sectorisées par tranches de niveaux, zones de niveau 1-10, 10-20, 20-30, etc… De la même manière, les zones de l’alliance et de la Horde sont soigneusement séparées, ce n’est que par la suite qu’elles deviennent communes aux deux factions.

Tous les joueurs de WoW à ses débuts se souviennent par exemple des affrontements à Hillsbrad, entre Moulin-de-Tarren et Southshore, de ces escarmouches continuelles avec la faction opposée qui faisaient le charme du jeu à cette époque. La mobilisation des joueurs a disparu avec l’arrivée progressive du pve de haut niveau, des champs de bataille puis des arènes.

Laffrontement entre Tarren Mill et Southshore

Désormais, l’affrontement entre factions, un thème structurant de l’univers de WoW est relégué au second plan dès lors que le joueur arrive au niveau maximum. Il cesse de fréquenter les zones de jeu et se concentre sur les activités instanciées.

La géographie de l’univers de WoW n’encourage pas la confrontation Horde-Alliance, mais ce qui ne pose guère de problème aux développeurs dont ce n’est pas la priorité. Toutefois, afin d’encourager un regain d’intérêt pour les rencontres fortuites entre les joueurs, Blizzard a introduit les “objectifs stratégiques”. Dans les Maleterres de l’Est et dans Silithus tout d’abord, puis selon une logique sensiblement identique avec Burning Crusade dans la péninsule des Flammes infernales, le marécage de Zangar, la forêt de Terrokar.

Des tours stratégiques... sur une carte sans enjeu

Ces initiatives n’ont pas eu le succès escompté. Les “objectifs stratégiques” se sont avérés décevants et ont tous été délaissés sans exception. Il n’y a guère que Halaa, zone relativement bien conçue en tant que telle mais sans enjeu réel ou suffisant qui a parfois réussi à mobiliser les joueurs.

Halaa dans Nagrand

De l’échec des “objectifs stratégiques” de WoW, nous pouvons tirer deux éléments de réflexion importants : le caractère artificiel de l’univers de WoW et l’inertie qui en découle.

Un univers virtuel qui ignore la géographie est un univers artificiel

C’est une règle que connaissent tous les stratèges : “c’est le terrain qui commande”. Sans grande surprise, la science militaire accorde une place très importante à la géographie et à son impact sur les conflits. La géographie de l’univers conditionne le développement des activités humaines qui elles-mêmes entraînent des enjeux qui sont vecteurs de conflits. Ces conflits pouvant être de nature économique, diplomatique et lorsque la diplomatie ne suffit plus, militaires.

De la géographie aux différents types de conflits

Nous aurons naturellement l’occasion d’y revenir en profondeur. Mais comme nous l’avons vu dans le cas de WoW, cette dimension échappe totalement à la logique qui a présidé à la création de son univers. Cela n’est pas un handicap lorsque le but premier est de permettre à un joueur d’évoluer à travers des zones variées et divertissantes en montant ses niveaux. C’est plus problématique lorsqu’il s’agit d’encourager un conflit réel entre factions.

Pour avoir ignoré le poids de la géographie sur l’histoire et le poids de l’histoire sur les conflits, Blizzard se retrouve avec un univers inerte, figé, qu’il est obligé de tenter d’animer avec ses “objectifs stratégiques”. Le recours à un tel procédé est obligatoire car il est impossible de modifier l’univers après-coup, mais il s’agit là d’un procédé artificiel qui ne suffit pas à contrebalancer l’absence totale d’une approche originelle respectant les fondamentaux de la géographie.

Une géographie inadaptée entraîne une inertie considérable

Un MMORPG est comme un énorme paquebot. Une fois qu’il est lancé dans une direction, il est extrêmement difficile de le faire dévier de sa trajectoire. L’orientation de l’univers de WoW est une conséquence du choix de ses développeurs. Mais lorsque l’univers montre ses limites, il enferme les créateurs dans leur logique. Il n’est plus une conséquence, mais la cause d’un immobilisme.

Il a souvent été reproché à WoW le manque de plasticité de son univers, à savoir que les actions des joueurs (notamment en pvp) n’ont pas de conséquences sur l’évolution globale de ce dernier. Ce serait naturellement un rêve de beaucoup de joueurs de MMORPG et une forme d’aboutissement que de voir un jeu capable d’une telle prouesse. Warhammer Online réussi peut-être en partie là où WoW a échoué, mais c’est aussi à relativiser en ce que ce n’est pas la géographie de l’univers de Warhammer Online qui permet cela en tant que tel, mais bien davantage le système des quêtes sur plusieurs niveaux.

Le système des Tiers dans Warhammer Online

Dit autrement : à sa manière Warhammer Online ignore aussi superbement la géographie que WoW, même si cela est moins flagrant. Warhammer Online ne fait rien de moins que reproduire le système d’”objectifs stratégiques” de WoW à une échelle certes beaucoup plus vaste, assumée et revendiquée, mais qui ne réussit pas nécessairement à convaincre davantage sur le fonds.

Bien entendu, le propos qui précède peut être parfaitement sujet à débat. Mais cet article n’est que le début d’une série qui a l’ambition de convaincre.

Pour une approche renouvelée de la création d’un univers persistant

Que cela soit de manière volontaire ou non, la quasi totalité des créateurs d’univers persistants semblent ignorer totalement les fondamentaux de la géographie et l’importance qu’elle peut avoir sur leur univers fût-il un univers de jeu. Il est pourtant indispensable de se pencher sur cette discipline car elle seule permet d’expliquer comment l’espace physique d’un monde (réel ou virtuel) possède une influence fondamentale sur la structuration du développement des activités humaines et la cristallisation des conflits.

Tout créateur d’univers persistant qui se respecte ne peut pas se comporter en parfait inculte !

Le but n’est pas de concevoir un univers réaliste de par sa morphologie et ses dispositions climatiques par exemple – l’expérience ludique doit primer avant tout. Le but est en revanche de respecter certains fondamentaux pour créer un univers dont la dynamique n’a rien d’artificiel. C’est à la fois un gage de succès et de longévité pour un MMORPG.

Sommaire du dossier

MMO Focus vous propose un dossier sur la création d’un univers persistant qui se veut autant un exercice d’analyse que la formulation d’une méthode rigoureuse et originale.

> A paraître prochainement

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