Le modèle Bartle (2/2)

Première partie : présentation du modèle Bartle.
Après nous être intéressés à la présentation du modèle de Bartle, nous abordons à présent les exemples de distribution des joueurs d’après le test de Bartle dans deux MMO, WoW et Warhammer Online, selon une étude parue sur le blog gamerDNA.
WoW et le test de Bartle
Comme il apparaît sur ce schéma de la répartition des joueurs dans WoW d’après les résultats au test de Bartle, les proportions rencontrées sont extrêmement proches des résultats généraux obtenus pour l’ensemble des joueurs tous titres confondus :
La répartition des types de joueurs d’après le test de Bartle est intéressante lorsqu’elle s’applique aux différentes classes :
“Hunter” (chasseur) étant la classe la plus représentée dans WoW (16% des joueurs) et Shaman la classe la moins jouée (6%), il faut considérer la répartition en valeur relative. Chasseur est la classe de prédilection des explorers, tout en demeurant relativement équilibrée. Voleur est la classe des killers par excellence, lesquels se retrouvent aussi parmi les démonistes dans une proportion majoritaire ainsi que chez les guerriers qui sont en même temps des achievers – une posture sans doute à rapprocher de leur rôle primordial de “tank” en instance pve. Les socializers se retrouvent parmi les classes typiques de soigneurs (prêtre, paladin, druide et shaman). La répartition des types de Bartle selon les races permet d’obtenir également quelques indications sur la répartition par faction (Horde vs Alliance) :
Où il apparaît que les killers sont 15% plus nombreux en proportion dans la Horde que dans l’Alliance. Les autres commentaires sur les races s’apparentent pour l’essentiel aux classes qu’elles peuvent jouer. Les socializers sont par exemple très présents chez les elfes de la nuit, race souvent sélectionnée côté Alliance par les prêtres. Les killers sont bien représentés parmi les morts-vivants, sans doute à cause des nombreux voleurs qui choisissent cette race.
Warhammer Online et le test de Bartle
La répartition des types de Bartle dans Warhammer Online fait apparaître un rééquilibrage au profit des killers, ce qui est plutôt prévisible compte-tenu de l’orientation pvp de ce MMO. Les explorers sont en nombre, mais ce qui est peut-être à lier à la date du test (octobre 2008) soit peu de temps après la sortie du jeu où les joueurs avides de découvrir un nouvel univers sont présents :
Au niveau de la distribution des types de Bartle selon les classes, il semble se superposer une classe prédominante pour chaque type, killers/orcs noirs, explorers/disciples, socializers/prêtre guerrier et achievers/cultiste :
Contribution du modèle et critique
Les archétypes de joueurs crées par le modèle de Bartle, même s’ils aboutissent à une simplification par rapport à la complexité de la réalité, offrent un outil d’analyse très appréciable de la motivation des joueurs et ont très souvent constitué le point de départ d’autres réflexions.
La classification de Bartle est parfois employée pour l’ajustement des paramètres d’un MMO en développement, comme ce fût le cas pour Pirates of the Burning Sea où les concepteurs du jeu demandèrent aux bêta testeurs s’ils étaient achivers, explorers, socializers ou killers.
Les travaux de Bartle ont inspiré bon nombre de modèles ultérieurs qui tentent de l’affiner. Bateman et Boon proposent par exemple un modèle partagé entre 4 types de joueurs de base (les conquerors, managers, wanderers et participants), eux-mêmes divisés en sous-segments selon que les joueurs sont hardcore ou casual. Ils en concluent que le respect de la motivation des joueurs est vital pour la réussite d’un MMO.
Cependant, au travers de son approche qui est essentiellement basée sur des discussions entre créateurs de MUD, Bartle prête le flanc à la critique. Nicholas Yee, auteur du projet Daedalus sur lequel nous reviendrons, envisage une démarche empirique et statistique pour construire un modèle des différentes motivations des joueurs de MMORPG. Yee considère que les types de joueurs suggérés par Bartle peuvent se recouper entre eux. Entre autres exemples, les achievers peuvent être des explorers car pour progresser plus vite en niveau, il peut être nécessaire de connaître les mécanismes du jeu. De la même manière, les achievers peuvent aussi être des socializers, car les plus grands exploits en pve passent par la nécessité de constituer un groupe efficace, ce qui est vecteur d’une dimension sociale – pourtant, les achievers (action-monde) et les socializers (interaction-joueurs) sont diamétralement opposés sur le “player graph” de Bartle.
En synthèse, la construction a priori du modèle de Bartle devient auto-réalisatrice et son test enferme les sondés dans des choix pré-établis (achiever ou explorer ?) dont ne peut ressortir qu’une dichotomie dans les réponses là où elle n’existe pas forcément au départ.
Il n’en demeure pas moins que le matrice originelle de Bartle constitue un bon point de lancement pour appréhender la motivation sous-jacente des joueurs, de même que ses résultats sont appréciables pour pouvoir être confrontés par la suite à des données empiriques : il faut connaître le modèle de Bartle pour mieux le dépasser.
Première partie : présentation du modèle Bartle.