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Le gameplay à la sauce FPS (2/2)

Ecrit par Pierre-Antoine Favre le 28 septembre 2009 Un commentaire
Le gameplay à la sauce FPS (2/2)

Première partie : Le gameplay à la sauce FPS (1/2)

La tendance FPS contient la promesse d’un gameplay plus dynamique pour les MMO. Ses avantages spontanés doivent cependant être tempérés par trois objections que nous dévoilons ici.

1ère objection : le gameplay

La première objection concerne le gameplay proprement dit, alors même qu’il s’agit du domaine sur lequel l’approche de type FPS est censée apporter son effet bénéfique.

Pour comprendre le problème, considérons un MMORPG tout ce qu’il y a de plus classique. Le joueur contrôle son personnage. A l’aide des contrôles (clavier + souris sur un PC typiquement), il doit pouvoir :

  • Effectuer les déplacements de l’avatar ;
  • Cibler les adversaires et déclencher l’usage de ses capacités / sorts ;
  • Regarder éventuellement dans un autre direction que celle du combat (vision périphérique).
  • Le dernier point est facultatif, mais dans le cas d’un jeu à la troisième personne qui ressemble beaucoup à un “simulateur de marche à pied”, le joueur peut apprécier de faire évoluer son personnage dans une direction pendant qu’il regarde dans une autre direction. Par exemple, ce mouvement de caméra est obtenu par le maintien enfoncé du bouton droit de la souris et d’une rotation à l’aide de cette dernière.

    Dans le cas d’un MMO qui intègre une approche FPS, la vision du personnage est alignée (centrée) sur le réticule de visée. Il n’est alors plus question de dissocier l’axe du combat de la direction dans laquelle le joueur regarde. En conséquence, pendant les combats, le joueur est privé de vision périphérique. Certains joueurs s’en accommodent très bien et ne vivent pas cela comme une contrainte ou un handicap. Pour d’autres en revanche, cela altère la perception de l’environnement immédiat du combat, bien utile dans les confrontations de groupe notamment.

    Dans Darkfall Online où les coups sont directionnels, l’orientation du personnage coïncide avec le champ de vision et pour toucher une adversaire, il faut naturellement “taper” dans la bonne direction. Cela ajoute au réalisme d’un côté, mais à l’opposé peut conduire à un certain manque de souplesse dans la sensation en combat… avec des moments presque tragicomiques où les joueurs rivalisent d’astuce dans les déplacements de leur personnage pour se placer en situation de pouvoir frapper leur adversaire sans que celui-ci ne puisse les frapper en retour. Même si tout est affaire de goût, le ressenti à l’écran n’est pas toujours des plus harmonieux comme le montre cette vidéo.

    Si l’approche FPS dans un MMO ne perturbe pas les aficionados de FPS, il n’en va pas toujours de même pour les non-habitués. Les joueurs de FPS ne correspondent pas exactement aux joueurs de MMO et réciproquement : vouloir plaire aux deux catégories de joueurs, c’est risquer de décevoir au moins une de ces deux catégories… voire les deux.

    2ème objection : le marketing

    Ce qui nous mène à une deuxième objection, sur le plan marketing cette fois-ci, même si la tendance FPS a des arguments pour elle au départ. Par le gameplay qu’elle tend à promouvoir, elle favorise notamment l’avènement des MMO sur les consoles, soit une augmentation considérable de la surface de vente potentielle par rapport au marché des PC, la plateforme jusque-là traditionnelle des MMO. C’est la perspective recherchée notamment par SOE (Sony Online Entertainment) pour The Agency, un titre qui sera présent sur PS3 et sur PC (même s’il demeure une incertitude sur le fait de savoir si les joueurs sur console et sur PC joueront ensemble sur les mêmes serveurs).

    Seulement voilà, comme pour la distinction entre les joueurs de FPS et de MMO, il existe une différence entre le public cible sur console et celui sur PC. S’il n’y a pas de corrélation automatique ou de superposition stricte, loin de là, entre les joueurs de console / FPS, d’un côté, et les joueurs de PC / MMO “classiques” de l’autre, il est néanmoins possible d’affirmer que le style de jeu mis en avant peut différer entre les publics des deux plateformes.

    Le public des FPS est typiquement un public jeune, à la recherche de stimuli et de sensations fortes, désireux d’obtenir une rétribution directe en récompense de ses actions (exemple : jouer à des matchs d’arène pour gagner des points, de l’équipement, des armes, etc…) ; le public des MMO “classiques” (par opposition au MMO “à la sauce FPS”) est en revanche davantage porté sur les relations sociales (du moins en théorie), plus hétérogène (des joueurs jeunes et des moins jeunes) et peut incorporer une tranche de joueurs plus âgés qui ne sont pas nécessairement motivés par une récompense immédiate pour leurs actions dans le jeu, mais peuvent par contraste aspirer à une rétribution différée (exemple : accomplir plusieurs fois une même quête pour augmenter sa réputation et gagner en reconnaissance sur la durée).

    De cela, il ressort que les concepteurs de MMO doivent choisir un positionnement de jeu en parfaite cohérence avec le public cible. Le danger de l’approche FPS est de décourager une bonne partie des joueurs de MMO traditionnels ; même si la réciproque est sans doute beaucoup moins vraie, un joueur de FPS ne sera a priori pas rebuté par la possibilité de vivre son expérience de jeu dans un monde persistant. Reste à voir si le gain en joueurs passionnés de FPS est de nature à compenser la perte éventuelle des joueurs qui y sont au contraire réfractaires ? Dans le cas d’un MMO à la sauce FPS, bien calibré dont le positionnement est voulu et assumé, sans doute y a-t-il matière à mobiliser un public significatif de nature à garantir le succès. Mais la menace d’un clivage marketing est réelle et ne doit surtout pas être ignorée, au risque d’entraîner de graves déconvenues.

    3ème objection : le concept

    Comme nous l’avons vu, l’ambition de relancer l’intérêt parfois défaillant du gameplay des MMO avec une approche empruntée aux FPS est appréciable. A ce stade de la réflexion, nous devons cependant nous demander si cela est véritablement de nature à relancer le genre des MMO sur un plan conceptuel. Car il ne faut pas se voiler la face : pour aussi positif que puisse être l’apport des FPS, il ne suffit pas à répondre au malaise ambiant, plus général, qui affecte les joueurs en mal d’une réelle nouveauté.

    De ce malaise, l’approche FPS n’est en rien responsable en tant que telle ; à contrario elle ne permet pas non plus d’en traiter les origines. Au mieux, la sauce FPS sert de cache-misère, lorsque le jeu peine à proposer autre chose que les sempiternelles séances de farming ou autres joyeusetés similaires ; au pire, elle ne fait que renforcer la sensation de vacuité, détourne les créateurs des vrais enjeux et se transforme en facteur aggravant.

    L’intrusion du FPS dans les MMO demeure toujours possible à condition de ne pas faire oublier qu’elle ne permet pas de faire l’économie d’une réflexion sur le nécessaire renouveau conceptuel dont les MMO ont besoin à l’heure actuelle. La sauce FPS doit se concevoir comme un moyen et non une fin, capable d’apporter une nervosité rafraîchissante au gameplay, sans toutefois pouvoir constituer toute la profondeur de l’expérience dans jeu dans un monde persistent.

    Qui est l’avenir de qui ?

    Au final, les FPS apparaissent comme une source d’inspiration réelle et néanmoins limitée pour les MMO. Ceci pour deux raisons :

  • Raison N°1 : il est possible de proposer un gameplay dynamique et addictif sans passer par les FPS.
  • A titre d’exemple, le système de combat de World of Warcraft a aussi inspiré l’orientation compétitive des arènes. Si l’opportunité de celle-ci peut naturellement être débattue, il est indéniable qu’elle n’aurait jamais été possible sans un gameplay un minimum trépidant. Des jeux à paraître tels que Continent of the Ninth ou bien encore Tera, tous deux de la firme coréenne NHN, ambitionnent de proposer un gameplay dynamique qui pourtant ne s’assimile pas aux FPS.

  • Raison N°2 : le FPS est-il autant l’avenir du MMO que le jeu en ligne n’est l’avenir du FPS ?
  • Désormais, les meilleurs FPS incluent quasi systématiquement un mode multijoueurs en ligne, si bien qu’en pratique, ils se rapprochent de plus en plus de l’univers des MMO. Au point d’inspirer le développement de FPS jouables exclusivement en ligne, tels que Battlefield Heroes.

    Selon une tendance que nous avions déjà observée, la frontière entre FPS et MMO s’amenuise. Mais en ce que le renouveau conceptuel des MMO est encore limité par la seule voie des FPS, ils nous faut en conclure que, pour le moment, la sauce MMO profite peut-être davantage aux FPS que la sauce FPS ne profite aux MMO.

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